Courtes pièces géométriques (Une géométrie du son et de la musique)

Courtes pièces géométriques | Une géométrie du son et de la musique

Gilbert Nouno (Haute école de musique de Genève) [IP] avec Luis Naón (HEM), et un collaborateur externe David Poissonnier (HEM).

Description :

Ce projet est une composition spéciale pour un lieu, ou plutôt la composition sonore d'un lieu spécifique, dans le sens où c'est le lieu qui compose physiquement l’œuvre. Le lieu est le Musée Ariana, Musée Suisse de la Céramique et du Verre, à Genève. La composition est celle du lieu et de ses objets. Elle révèle l'espace du bâtiment, ses géométries, ses volumes, elle est sensible aux objets qui y sont placés car ils vont influencer l'écoute autant que les murs des salles. Un jeu intuitif se crée à la frontière entre la recherche et la création : la recherche parce qu'elle met en œuvre des principes physiques acoustiques et électroniques scientifiques, non pas nouveaux mais tangibles, pédagogiques et vérifiables ; la création parce qu'elle joue avec ces principes avec une liberté et une spontanéité organique qui pourrait aussi la rapprocher d'une forme d'improvisation instrumentale. La composition détourne ces principes pour révéler les contours de grandes pièces et d'objets, pour que nous les découvrions et les devinions avec nos yeux et nos oreilles, pour nous amuser et être surpris.e.s, pour étonner les auditeur.rice.s, ou pour surprendre une tête artificielle dans la nuit. Cette pièce, ou je devrais dire cet ensemble de pièces courtes, est renouvelable à l'infini selon la disposition des éléments qui la composent, sons, émetteurs et récepteurs, car elle sera enregistrée en son 3D binaural avec une tête artificielle le long de plusieurs caméras vidéo qui témoigneront de la projection spatiale du son. Cet ensemble musical perturbe la vision de l'écoute, ou peut-être l'écoute de la vision.

Bien sûr, les références historiques auxquelles on pense sont nombreuses, la plus célèbre étant le Poème électronique d'Edgard Varèse dans l'architecture de Le Corbusier et de Xenakis, qui donnait aussi sa lecture de l'espace comme un écrin acoustique où les sons étaient projetés. La mise en œuvre et les principes dans cet ensemble de courtes pièces géométriques électroniques est cependant bien différente. En effet, les éléments qui composent ces pièces, ou je devrais probablement dire les machines-musiciennes qui interprètent l'œuvre électronique, sont des bras robotisés qui portent chacun un haut-parleur ultra-directionnel particulier, que l'on pourrait presque décrire comme un laser sonore. Ce haut-parleur est basé sur une émission d'ultrasons (environ 40kHz) modulés par un signal sonore dont les fréquences sont audibles. On sait que les ultra sons, que nous ne pouvons pas percevoir avec nos oreilles, se propagent de manière rectiligne comme des rayons sonores en raison de leur très petite longueur d'onde, ils rebondissent ensuite sur les murs comme des boules de billard. Les pièces sont des compositions à la fois des sons émis par les haut-parleurs à ultra-sons et des mouvements dynamiques des bras des robots qui, en décrivant des gestes, vont orienter les haut-parleurs et modifier fortement la directivité des rayons sonores qu'ils émettent. Une lecture spatiale de l'architecture nous saute aux yeux, ou plutôt aux oreilles, si je puis dire, en fonction de la position de l'auditeur.rice dans l'espace. Ainsi, non seulement les pièces sont perçues différemment selon la position des robots dans la ou les salles, mais elles seront également reçues différemment selon la position des personnes qui écoutent. Cette variabilité est fortement ressentie car l'émission sonore est hyper-cardioïde, si je peux faire l'analogie avec la directivité d'un microphone. Le public est littéralement transformé en écouteurs—en français des écouteurs peuvent désigner à la fois des personnes qui écoutent ou un casque d’écoute—qui objectivent chaque personne en rapportant leur position aux différents points d'émission du son. La tête artificielle est un autre écouteur qui enregistre en binaural ce qu'il entend.

Des haut-parleurs ultra-son sont déjà disponibles dans le commerce, ils sont plutôt chers (plusieurs centaines de dollars) et il est possible de les construire à coût beaucoup plus faible. Inversement, il est un peu plus difficile—mais pas impossible—de construire des bras robotisés, mais ils sont disponibles à des prix assez raisonnables. La construction de haut-parleurs directionnels est très intéressante pour l'enseignement, elle fait appel à des connaissances pratiques d'électronique analogique pour la modulation de fréquence, ce qui est facile et que les étudiant.e.s connaissent bien puisqu'ils l'apprennent dans les cours de musique électronique dans des environnements comme Max/MSP. Je proposerai aussi à quatre étudiant.e.s compositeur.rice.s d'écrire une courte pièce musicale pour cette installation. A noter que les bras robotiques seront connectés en wifi, contrôlés par un module Arduino et Raspberry Pi et donc synchronisés. Il est également possible d'écrire une pièce entièrement interactive avec cet instrument électronique physiquement spatialisé.

Previous
Previous

Investigation du fondu dans les chœurs par le biais de méthodes de capture de champs sonores, d’évaluation acoustique et d’analyse perceptive

Next
Next

Enregistrement d'un album pour guitare et électronique en audio 3D, avec une vidéo 3D